Pourquoi il faut faire des maths ?

Avec les mathématiques, le monde vire au manichéen. Il y a ceux qui se souviennent des souffrances endurées devant le théorème de Pythagore, les triangles semblables ou la résolution d'une équation du second degré. Et puis, il y a les autres qui, séduits par l'étrange nombre π, les cosinus ou les hyperboles, ont pu se retrouver stigmatisés en crânes d'œuf ou têtes de classe — têtes à claques. Dommage que perdure cette spécificité française, symbolisée par d'affligeantes césures, de type « science vs culture », « littérature vs technique »... Outre que les maths peuvent commencer comme un jeu qui délie subtilement le cerveau, nous tous et toutes étant parfaitement capables d'entrer dans ledit jeu grâce à notre « zone des maths », il est temps que leur apport soit mesuré à l'aune voulue : un rôle majeur. Font appel à elles, en effet, tous les secteurs en plein développement aujourd'hui.

2,4 millions d'emplois en France dépendent des maths

"Leur importance ne cesse de croître", affirme Cédric Villani, l'un de nos très grands mathématiciens français, récompensé par la médaille Fields en 2010. Il est de bon ton de répéter des idées reçues du genre « plus personne n'utilise les maths au-delà de la classe de 4e », ce qui n'encourage d'ailleurs pas les élèves de collège et de lycée, dont les performances n'épatent plus personne — voir à ce sujet les mauvais (à très mauvais) résultats enregistrés dans les enquêtes internationales Pisa et Timss*. Le problème, c'est que c'est faux. Oui, les maths, ça sert.

2,4 millions d'emplois en dépendent en France, et ce chiffre ne fait qu'augmenter. Évoquerait-on seulement la révolution numérique et l'économie de la donnée, en train d'exploser ces dernières années, et l'on mesurera l'ampleur de l'enjeu. Tous les domaines sont concernés, du commerce à la santé (épidémiologie, cancérologie), du tourisme au management des grandes villes, de l'ingénierie à la gestion des territoires ou des réseaux sociaux... Très concrètement, le dossier de Sciences et Avenir a interrogé cinq spécialistes aux sujets d'étude très différents (traitement d'images, modélisation en oncologie, mouvements de foule...), permettant de mesurer la réjouissante diversité des travaux faisant appel aux mathématiques. Encore faut-il avoir compris cela assez tôt lors du cursus scolaire et ensuite trouvé les bonnes orientations ! Voilà pourquoi nous avons consacré quatre pages de guide aux formations permettant de s'orienter dans le maquis des filières (universités, prépas, écoles d'ingénieurs, grandes écoles, filières atypiques...). Outre qu'il devrait servir aux élèves et à leurs parents parfois déboussolés, ce guide est là pour montrer la richesse des possibles orientations. C'est un truisme que de dénoncer le brouillard dans lequel se retrouvent nombre de jeunes quand il s'agit d'imaginer leur futur métier. De fait, lesdits métiers risquent de bientôt disparaître, numérique oblige, dans les années qui viennent. Une solide formation en maths (mais pas seulement !) ne peut que les aider à comprendre et surmonter ces bouleversements.

Source "Sciences et Avenir"

Les mathématiques comme moteur de croissance économique

L'excellente insertion des diplômés en mathématiques rejaillit sur l'économie. Ainsi, « Le nombre de postes impactés directement par les mathématiques en France s'élève à 3,8 millions sur 43,3 millions soit 9 % du nombre total de postes, tous secteurs d'activités confondus. » Toutefois, cet impact des mathématiques sur l'emploi se concentre principalement dans trois de nos Régions, l'Ile-de-France, le Rhône-Alpes et la Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui regroupent à elles seules 56 % des emplois impactés par les mathématiques. Plus encore, en chiffres, les mathématiques représentent une valeur ajoutée de 285 milliards d'euros sur 1 878 milliards d'euros pour la France, soit 15 % de son PIB.La bonne santé économique d'un pays serait donc liée aux compétences en mathématiques développées par ses citoyens diplômés.... A méditer d'urgence à l'heure où les résultats des collégiens ne cessent de reculer dans cette discipline.

Top 10 des secteurs les plus impactés par les mathématiques en nombre d'emplois

1. Services IT

2. Enseignement

3. Services financiers

4. Architecture et ingénierie technique

5. Commerce de gros

6. Activités des sièges sociaux, conseil de gestion

7. Administration publique et défense

8. Construction

9. Recherche – développement scientifique

10. Activités liées à l'emploi.

Source : Intellego

MATHS ET INDUSTRIE

Les maths s'appliquent aussi à l'industrie

Une étude a été menée récemment en France pour mesurer l'impact socio-économique, direct et indirect, des mathématiques, mais également pour analyser les liens entre entreprises et expertises en mathématiques, et préciser les domaines thématiques et les outils qui devraient être développés pour une meilleure synergie.

Il en ressort qu'en 2012, 2,4 millions d'emplois étaient impactés par les mathématiques dans les différents secteurs économiques. Les professions retenues pour ce calcul sont par exemple celles accessibles aux formations comportant au moins quatre heures de maths hebdomadaires. Ce sont principalement des ingénieurs, dont un tiers appliquent directement de la recherche en sciences mathématiques. De plus, ces 9% de l'emploi total sont à forte valeur ajoutée puisqu'ils ont contribué à hauteur de 15% du PIB du pays.

Cinq grands champs de compétences diffusant dans de nombreux secteurs industriels sont mis en avant par l'étude : le traitement du signal, le Data Mining, le triptyque modélisation-simulation-optimisation, le calcul haute performance et la cryptographie. Labéliser ces compétences permet d'envisager une adaptation des parcours de formation.

La France est reconnue pour l'excellence de sa recherche en mathématiques, cependant les relations avec le monde de l'entreprise y manquent encore de structuration. L'étude montre que la qualité des liens entre recherche et industrie est fortement stimulée par l'action de structures réactives s'intercalant entre le public et le privé. Ainsi, depuis 2011, l'agence maths-entreprises AMIES agit dans toute la France en mettant en relation les entreprises et les mathématiciens des laboratoires de mathématiques français. Son programme PEPS (Projet exploratoire premier soutien) favorise l'émergence puis la consolidation de collaborations entre des laboratoires de mathématiques et des groupes industriels de toute taille.

Par exemple, la PME ACB Engineering propose des « caméras acoustiques » pour visualiser les sources de bruit dans un habitacle de véhicule. Le laboratoire Jacques-Louis Lions de l'université Paris-Diderot a apporté son savoir-faire en « problème inverse » pour optimiser les calculs et améliorer le dispositif d'acquisition des mesures sonores.

Source : Interstices